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Le blog de Roland - Algrange d'hier à aujourd'hui

Livre de Roland SEBBEN - ALGRANGE Cité aux 4 mines - La main d'oeuvre-La sainte-Barbe-Les mouvements sociaux dans les mines (7)

20 Octobre 2017, 07:00am

Publié par R.S.

Suite de mon livre (N°7)
Chapitre VII -
La main d'oeuvre dans les mines
1. - L'immigration.

        De 1871 à 1880, dans les villes et villages annexés ce sont surtout des immigrations administratives car il est nécessaire de repeupler les administrations quittées par ceux qui avaient choisi le camp de la France. Algrange, avec quelques centaines d'habitants, ne fut pas concernée par cette immigration. Seuls arrivèrent quelques ouvriers chargés de faire de la prospection minière.

       Après 1880 arrivèrent des hommes attirés par l'essor minier et industriel de la région. Si les Allemands étaient les plus nombreux (70% de la population), il faut indiquer la présence d'une importante population italienne. En 1910, il y avait 823 Italiens à Algrange.

       A l'issue de la première guerre mondiale, Algrange voit sa population diminuer du quart, les Allemands repartent. En 1922, il reste 1082 Allemands alors qu'en 1910 ils étaient 6644. Mais à partir de cette date, la population se reconstitua grâce à l'apport de travailleurs venant d'Italie. Ces nouveaux arrivants formaient une population jeune, dynamique et prolifique; c'est d'ailleurs à cette période que la localité connut sa plus forte progression démographique de l'entre- deux guerres. En 1922, les Italiens étaient 1231 à Algrange et avant la crise ils étaient 1712, soit un peu plus de 17% de la population totale. Mais dès 1931, les premiers effets de la crise de 1929 se firent sentir. Il fallut " dégraisser " les effectifs de l'industrie minière. Dans les mines, on passa de 1000 ouvriers en 1928 à seulement 317 en 1932. On dénombrait à la même époque le départ de plus de 500 Italiens et de 100 Allemands à la mine d'Angevillers. 

      48,6% de la population algrangeoise était étrangère en 1931 et à la veille de la seconde guerre mondiale, elle redescend en dessous des 40%.

Livre de Roland SEBBEN - ALGRANGE Cité aux 4 mines - La main d'oeuvre-La sainte-Barbe-Les mouvements sociaux dans les mines (7)Livre de Roland SEBBEN - ALGRANGE Cité aux 4 mines - La main d'oeuvre-La sainte-Barbe-Les mouvements sociaux dans les mines (7)
Livre de Roland SEBBEN - ALGRANGE Cité aux 4 mines - La main d'oeuvre-La sainte-Barbe-Les mouvements sociaux dans les mines (7)
Livre de Roland SEBBEN - ALGRANGE Cité aux 4 mines - La main d'oeuvre-La sainte-Barbe-Les mouvements sociaux dans les mines (7)Livre de Roland SEBBEN - ALGRANGE Cité aux 4 mines - La main d'oeuvre-La sainte-Barbe-Les mouvements sociaux dans les mines (7)

        Les premières années de l'après-guerre, marquées par le redémarrage des mines, créèrent des besoins urgents de main d'œuvre. La décennie 1921/1931 correspond à une des périodes les plus attractives pour les travailleurs étrangers. Ce fut le moment de l'arrivée de la seconde génération d'Italiens, mais aussi des Russes et des Polonais. Beaucoup de ceux-ci trouvèrent, en arrivant à Algrange, de véritables relais composés par des anciens immigrants ou par leurs descendants, ce qui facilita leur installation. Si les Italiens, arrivés dans les années 1920, étaient surtout des gens à la recherche de travail, ceux qui arrivèrent à la fin de ces années étaient d'une toute autre nature.

 

            Ainsi, ce furent surtout les indésirables anti-fascistes qui quittèrent l'Italie. Ils fournirent les gros bataillons qui arrivèrent dans les années 1925-1930. Le frein mis à l'émigration italienne par MUSSOLINI explique que ce ne sont pas les transalpins qui connurent la plus forte progression entre 1919 et 1939, mais les Russes et les Polonais.

 

         Les Polonais étaient très peu nombreux à la fin de la première guerre, seulement 354 soit 4,8% de la population  algrangeoise. Mais leur nombre crût  pour atteindre 1543 personnes en 1929, soit 15,6% de la population. Les Polonais arrivés après la guerre venaient pour la plupart de Prusse Occidentale, fuyant la politique de germanisation mise en place par BISMARCK, mais aussi et surtout la misère. La seconde vague, plus importante, provenait des régions rurales et très pauvres de la Pologne. A la veille de la dernière guerre, Algrange comptait près de 300 familles polonaises.

 

          L'entre-deux guerres fut aussi marqué par une importante immigration slave. En 1922, on dénombre 39 Serbes, 21 Tchèques, 37 Russes, ce qui est assez insignifiant. Mais dès 1929, il y a près de 227 Russes, 62 Tchèques et 76 Yougoslaves. Des Bulgares, des Baltes et des Hongrois apparaissent également dans une proportion plus restreinte.

 

        Importante dans la population, la présence d'étrangers était encore plus marquante dans les mines. Les Français étaient fort peu attirés par le dur labeur de mineur. Si bien qu'entre les deux guerres les effectifs étrangers sont bien plus nombreux que les effectifs français dans les mines. Dans la mine Burbach, c'est la nationalité italienne qui domina largement alors qu'à la mine d'Angevillers ce sont les Polonais qui étaient les plus nombreux. On dénombre dans les années 1928/29, à la mine Burbach 37,7% d'Italiens et seulement 8,6% de Polonais. A celle d'Angevillers, les Italiens forment 15,1% des effectifs alors que les Polonais atteignent 54,3% des effectifs. En ce qui concerne Allemands, Belges et Luxembourgeois, ils représentent à peine 15% du personnel de la mine Burbach alors qu'ils sont absents de la mine d'Angevillers. Sur 107 Allemands présents à la mine d'Angevillers en 1930, il n'en reste plus que 28 en 1931. Les mélanges entre populations furent nombreux et sont responsables d'une homogénéité de la population. Les derniers arrivés furent les Nord-africains dans les années 1960/65.

 

Si la mine s'est dotée de solides constructions, c'est qu'elle voulait fixer les populations. En y étant définitivement parvenue depuis la deuxième guerre mondiale, elle est responsable de l'enracinement de l'homme dans un milieu avec lequel il fait désormais corps et qu'il ne veut plus quitter.

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 2. - La Sainte-Barbe des mineurs.

 

         La légende raconte que Sainte-Barbe, vierge et martyre, fut traînée devant les tribunaux par son propre père. Celui-ci aurait, de ses mains, décapité sa fille. Mal lui en prit car il aurait été ensuite frappé par les foudres du ciel. Barbe est donc la patronne des canonniers, des mineurs, des carriers et des pompiers. Sa fête est célébrée le 4 décembre.

 

        En 1880, un porion M. MICHELY venant de Sarre, où était déjà fêtée cette Sainte, fit avec 8 camarades une petite célébration. Ils firent venir des musiciens, offrirent une aubade à leur directeur puis allèrent au café. Mais c'est en 1881 que la Sainte-Barbe fut fêtée officiellement pour la 1ère fois à Algrange. La musique militaire de Thionville, accompagna les mineurs en cortège jusqu'à l'église, place du marché. Tous furent accueillis par le prêtre Jean Albert LEIGH et même des mineurs protestants assistèrent à la cérémonie. C'est ainsi qu'on commença à fêter la Sainte, patronne des mineurs. Au fils des ans, l'organisation se fit de plus en plus précise. Plusieurs jours avant la fête, on se préparait. Les gâteaux étaient cuits au four et les aubergistes faisaient de leur mieux pour donner un air de fête à leur établissement, en le décorant.

 

        La fête commençait le vendredi précédent le 4 décembre. Dans la soirée, les membres des comités de chaque mine, accompagnés de leur musique (aussi longtemps que les comités ne disposèrent pas de leur propre musique, il fut fait appel à des détachements des musiques militaires de Metz ou de Thionville), se rendaient chacun chez les employés de sa mine. Après un petit concert, les employés recevaient un petit bouquet de fleurs, en guise d'invitation. Puis tout le monde se rendait en musique, dans une salle louée par le comité, pour une avant-première entrecoupée de morceaux de musique et de discours. Mais pour ne pas compromettre la fête du lendemain, on se séparait généralement avant minuit.

 

        Le samedi était le grand jour. Très tôt le matin, des coups de mine retentissaient dans les quatre coins d'Algrange, c'étaient les artificiers qui faisaient exploser des charges au flanc des collines. Quatre mineurs descendaient au fond, jusqu'à l'entrée des galeries où se trouvait la statue de la Sainte. Pendant ce temps, les délégations de chaque mine se réunissaient avec musique et drapeaux. Puis les mineurs la remontaient au jour " pour la faire pisser ", où elle était portée par eux jusqu'à l'église suivie par tous…

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        Le cortège était formé de couples d'honneur de chaque mine. Le garçon était généralement un jeune " Schlepper " (chargeur manuel de wagons) célibataire, et la demoiselle, une fille de mineur. Il n'était pas rare de voir ces couples, qui se connaissaient déjà, se marier par la suite. Cette fête leur donnait l'occasion de déclarer ouvertement leur amour et d'annoncer leurs fiançailles.

 

        Dans l'église catholique, tous étaient accueillis par le curé, sans distinction de religion. Dans son sermon, le prêtre évoquait le danger côtoyé quotidiennement par les mineurs, demandant à Sainte-Barbe sa protection et terminant en bénissant la statue placée dans la nef.

 

        Une année, l'évêque de Metz honora cette fête par sa présence. Dans la soirée, les mineurs, leurs épouses et leurs enfants les plus âgés, se rendaient au bal gratuit. Chaque mine avait sa salle et la fête se prolongeait jusqu'à l'aube. On participait à fond, et le lundi, les garçons de la tournée du matin avaient encore en tête, malgré le bruit des marteaux et des chaînes, les flonflons du bal. Par la suite cette fête tomba en désuétude. Ecœurés par la fermeture successive des mines, la fête de la Sainte-Barbe fut abandonnée dans les années 1980.

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Seule la détermination d'Antoine FOSSO et de René DERECH, aidés de la commission culturelle municipale, permit de renouer avec la tradition. En 1984, eut lieu le premier défilé avec des couples d'enfants de mineurs de chacune des quatre mines, tous grimés en mineurs…

 

       Puis une Amicale d'anciens mineurs et veuves des quatre mines s’est créée. Les statuts de cette nouvelle association furent adoptés le 19 novembre 1992. Un défilé a lieu depuis 1993 chaque année, et depuis 1994 un couple d'honneur ouvre le cortège. A partir de 2002, la Ste Barbe devient unitaire avec l’association des anciens mineurs et la commission culturelle municipale. Le 7 décembre 2003, pour fêter le 10ème anniversaire de l’Amicale, une stèle fut inaugurée à la mémoire des mineurs d’Algrange.

       Une autre association se créa également en 1984, AMOMFERLOR, mais sur les sites de Neufchef et d'Aumetz, afin de sauvegarder la mémoire du monde de la mine de fer lorraine….

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Le dernier chant des mineurs de fond.

 

Enfants  venus  ici de tous  les  horizons                Et s'il est vrai que des heures parfois

Poussés  par la  bourrasque  des  années                 devenaient rouges

Vous  tous qui  nous  cherchez  un  nom                 dans cet écrin de purgatoire

Vous ne connaîtrez pas le ventre de nos                 Après

mines                                                                       Comme un drapeau de déraison revenait

Rien de ces cals dans nos mains oubliées               pourtant le soleil

Ni ces machines hasardeuses comme des               Souvent déchiré

doigts gourmands.                                                   Douloureux

                                                                                Maigrichon

Vous  ne  connaîtrez  pas  le  ballet  des                 Qui sentait le mal de ceux qui sont partis

lumières  qui  décalaient  la  nuit                            Mais la vie reprenait

le  bruit  étrange des jupons  de la terre                  S'accrochait aux ailes de nos amis…

Vous  ne  connaîtrez  pas  l'odeur de  la

lampe  à  carbure                                                   Enfants venus ici à travers tous les temps

Toutes  ces  années  dures  mais  aussi                 Vous tous qui nous cherchez un nom

tendres  à  la  fois                                                 Levez donc votre tête et regardez nos fronts  

Vous ne connaîtrez pas le vieil esprit de               Ecoutez l'amour du terroir serti dans nos

La Sainte-Barbe                                                    poitrines

qui canonnait gaiement                                         Nous sommes le chœur d'Algrange

L'étranger qui buvait en multiple patois               Vieille cité aux quatre mines

Comme un copain d'enfance                                 Le dernier chant de ses mineurs de fond !

 

 

                                                                                Alphonse PENSA

                                                                              (extrait de la plaquette de l'inauguration de la Fresque.1989)

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3. - Les mouvements sociaux à Algrange.

De 1919 à 1939.

 

       Les difficultés économiques, dont le point culminant fut 1929 et ses terribles conséquences, peuvent être considérées comme une des constantes de l'entre-deux guerres. Algrange ne fut, bien entendu, pas épargnée car sa mono industrie minière en faisait une cible privilégiée. Face aux problèmes, le principal moyen d'action et de défense des mineurs était la grève. Les vingt années qui séparaient les deux guerres en furent ainsi jalonnées.

 

        Pendant de très longues années, le recours à la grève resta exceptionnel: faiblesse du tissu syndical, absence d'interlocuteurs, intransigeance des patrons, tout concourrait à rendre leur déroulement presque impossible. Ainsi, la fin du XXe siècle ne connut que quelques mouvements sporadiques, traduction d'une exaspération qui ne durait, en général, que fort peu de temps.

 

       La première grève que connut notre région en ce début de siècle fut provoquée à Uckange par des ouvriers italiens aux hauts-fourneaux des frères STUMM. Leur action, pour se voir attribuer un salaire plus élevé, dura en cette année 1906, une huitaine de jours. Ils obtinrent gain de cause, mais cette revalorisation ne durera qu'une courte semaine.

 

       Dans la vallée de la Fensch, c'est en 1907 qu'apparurent les premières grèves; elles n'allaient guère tarder à s'étendre jusqu'à Algrange. Il s'agissait souvent de mouvements spontanés et brefs qui traduisaient l'exaspération des mineurs vis-à-vis de leur travail harassant. Elles étaient aussi motivées, mais c'était bien rare, par une volonté de reconnaissance du fait syndical. La première grève significative éclata à Algrange le 21 mai 1907. A cette date, sur les 1600 hommes qui travaillaient dans les mines, notre localité compta 700 grévistes, bien que les syndicats fussent encore à un stade embryonnaire. François ROTH donne le chiffre de " 80% de grévistes dans le Val d'Algrange ".

 

        Le pourcentage des mines les plus touchées (dans la vallée de l'Orne) atteignit 60%. Au total ce fut 3000 personnes qui étaient en grève en ce début de l'été, mais on ne dénombrait aucun gréviste chez De WENDEL, bien que des mineurs aient essayé d'y étendre le mouvement. Finalement, après que les autorités aient laissé pourrir le mouvement, la reprise fut générale le 10 juin dans toute la vallée.

 

       La réaction du patronat, à la suite de ces mouvements, fut particulièrement dure; bon nombre de grévistes furent sanctionnés. A la mine dirigée par les BOCHUMER VEREIN, sur les 615 travailleurs, 134 furent licenciés.

       Il convient de souligner ici la relative impuissance des mineurs vis-à-vis de la hiérarchie…A cet égard, Adrien PRINTZ nous donne l'exemple d'un ouvrier algrangeois, N. WEINGARTNER qui travaillait à l'usine " Hütte Friede " et qui s'était vu intenter un procès en diffamation, par la direction de l'usine à la suite de propos qu'il avait tenu consécutivement à un accident du travail. Les syndicats étaient beaucoup plus faibles en Lorraine que dans le reste du Reich. Les premiers syndicats à s'établir dans la région thionvilloise furent les syndicats chrétiens ( Christliche Gewerkschaffen) en 1909. A la mine Röchling, on dénombrait deux à trois cents adhérents. Le premier secrétaire syndical des mineurs de fer fut Joseph BERG qui s'établit plusieurs années à Algrange où il travailla dans une des mines de la localité, qu'il quitta en 1907. Il fut remplacé par un dénommé WISSMANN et le siège du syndicat se trouvait au n°6 rue de la Gare (aujourd'hui, rue Jean Burger)

 

       Avant la guerre de 1914, la grève a encore du mal à s'imposer dans les esprits comme moyen de lutte face aux difficultés. Mais force est de constater que, petit à petit, cette notion progressait; L’entre-deux guerres en sera la démonstration.

 

        L'après-guerre commença avec beaucoup de difficultés. Le premier syndicat à se constituer après 1918 fut le syndicat des ouvriers mineurs de Lorraine section Algrange. Il fut créé en 1920 et s'affilia rapidement à la C.G.T. Alors que la pénurie de main d'œuvre issue du départ des Allemands était surmontée, en 1921 éclata une brutale crise économique. Cette crise engendra les premières grèves de l'après-midi. En effet, à partir de ces années, une certaine effervescence sociale est perceptible. Des grèves éclatèrent dans plusieurs corporations. On manifestait à Pompey, Hagondange et la vallée de la Fensch n'était pas en reste.

 

        Quelles étaient les revendications des grévistes?…

 

        On se plaignait bien sûr de la vie chère, on réclamait aussi la libération de la journée de travail à huit heures. Il n'était pas impossible qu'à Algrange, certains leaders syndicaux aient accompagné ces demandes, de revendications plus politiques, et que l'on ait affirmé dans ces moments des prétentions autonomistes et pro-allemandes. Cette effervescence tomba toutefois bien vite, d'autant que le tissu syndical restait extrêmement fragile.

 

        Il fallut attendre les années 1930 pour assister à l'éclosion de nouvelles grèves dans nos régions. La crise qui apparut aux Etats-Unis en 1929, affecta la Lorraine de manière tardive. Les premiers effets se firent ressentir qu'à partir de 1931. Les conséquences de celle-ci (chômage et misère) agirent comme un  " électrochoc " sur les masses ouvrières qui se syndicalisèrent en masse. Avec la crise, de nombreuses installations de la vallée s'étaient arrêtées. En 1931, seuls sept hauts fourneaux sur dix fonctionnaient à la S.M.K. Le mécontentement grondait et l'attente de l'installation du Front Populaire vit une puissante vague de grèves partir de Paris et déferler sur le reste du pays.

 

" L'Echo de Thionville " nous relate les manifestations du printemps 1936:

 

         " Le meeting organisé dimanche dernier dans notre vallée par le Front populaire avait attiré de six à huit mille personnes venues de Yutz, Thionville, Nilvange, Knutange et Algrange. Aucun incident n'a vu le jour, tout s'est passé dans l'ordre. Après le rassemblement devant le café HAAG à Hayange, le cortège parmi lequel flottaient de nombreux drapeaux rouges et des banderoles aux inscriptions allemandes se dirigea vers le kiosque d'Emile BERON, qui prononça une harangue en faveur du Front Populaire. La Marseillaise et l'Internationale furent reprises par les masses populaires. Le cortège se rassembla, gagna Knutange avant de se disloquer à Algrange."

        

        Le curé de Hayange confirma la bonne tenue des manifestants: " Rendons-leur cette justice qu'ils n'ont commis aucun excès. Personne ne fut molesté ". L'adoption rapide des réformes sociales durant l'été 1936 amorça toutefois le reflux des manifestations.

 

       Le 9 avril 1937, un conflit éclata à la mine Burbach. Le 1er avril, un Italien ouvertement fasciste avait été nommé aide-porion. Très vite les mineurs, relayés par les syndicats, demandèrent sa révocation. La direction demanda à ses ouvriers d'attendre un mois avant de porter un jugement sur leur nouveau aide-porion. Cette demande fut immédiatement refusée et les mineurs se mirent en grève. Finalement, la direction céda et le 10 avril au matin, le travail reprit après que l'aide porion incriminé eut été chassé de la mine. Cet épisode est un nouvel exemple des tensions croissantes au sein de la localité entre les différents syndicats et les différentes associations, dans une vallée désormais " trop étroite "

On peut voir sur ces notes de 1920 que les salaires pouvaient être différents d'une mine à l'autre (Angevillers et Burbach)
On peut voir sur ces notes de 1920 que les salaires pouvaient être différents d'une mine à l'autre (Angevillers et Burbach)
On peut voir sur ces notes de 1920 que les salaires pouvaient être différents d'une mine à l'autre (Angevillers et Burbach)

On peut voir sur ces notes de 1920 que les salaires pouvaient être différents d'une mine à l'autre (Angevillers et Burbach)

Face aux terribles conséquences de la crise de 1929, beaucoup restèrent désemparés. Cependant, la vigueur avec laquelle Algrange fut frappée, obligea la municipalité à prendre des initiatives. Pour remédier à cette crise, la commune avait envisagé l'exécution de travaux de secours alimentés par un fonds de chômage et destinés à venir en aide aux " sans travail ". (En 1931, seul quatre-vingts mineurs sur les huit cents de la mine Burbach travaillaient encore)

 

        Mais revenons quelque peu en arrière car ce n'était pas la première fois qu'une décision de ce type avait été prise: Dès la fin de la 1ère guerre, une tentative fut faite pour régler le sort des plus démunis. Ainsi, en 1922, dix-sept Algrangeois étaient inscrits sur les registres des nécessiteux, de l'usine métallurgique de Knutange. Dès 1923, on décida de l'emploi de chômeurs pour différents travaux de voirie. A cette fin, on avait décidé de l'élargissement de la chaussée vers Fontoy. La dépense s'élevait à 100.000 francs (38.000 francs étaient pris en charge par le département, 38.000 francs par Algrange et le reste par la Société de Tramways de la Fensch). On fixa le montant des allocations à distribuer à huit francs. En février 1923, la délégation spéciale d'Algrange et les plus imposés décidèrent de faire exécuter ces travaux. Cependant, ceux-ci ne furent pas couverts par le fonds de chômage mais par l'excédent du budget de 1921 qui s'élevait à 113.134 francs. La création du fonds devenait donc sans objet…

 

        En mars 1927, l'idée d'un emprunt destiné à la création d'un fonds de chômage fut évoquée au Conseil municipal. Cette proposition fut refusée dans un premier temps par le préfet, car il fallait: " prévoir des taux d'intérêts, un taux d'amortissement, une durée, tout ce qui faisait défaut au projet d'Algrange ". Mais en avril, le maire reprit l'idée en avançant l'idée que le fonds pouvait être créé sans recourir à un emprunt car en 1926, l'excédent des recettes s'était élevé à 132.000 francs. Ainsi, lors du vote du budget supplémentaire de novembre 1927, il fut décidé de débloquer un crédit de 30.000 francs destiné à la création du fonds de chômage. Algrange fut une des seules communes de la Moselle avec Metz, Hayange, Thionville, Moyeuvre, Sarreguemines, Yutz et Montigny à recourir à cet usage. Pour bénéficier de ce fonds, il fallait justifier sa situation par un certificat de congé émanant de l'employeur. Dès lors, le chef de famille percevait une allocation de six francs par jour tandis qu'un célibataire lui, touchait trois francs. La durée de ces secours ne pouvait excéder 120 jours…

 

        Les étrangers pouvaient, en théorie, en bénéficier à condition de résider depuis plus de six mois dans la cité. Or, ceux-ci, en temps de crise, étaient d'une extrême mobilité, cherchant du travail de ville en ville. Ce qui fait qu'en pratique, il était rare qu'un d'entre eux puisse toucher ces allocations. De fait, beaucoup de personnes étaient exclues de ces secours; ceux qui étaient au chômage de par leur âge, leur propre volonté, à cause d'incapacité ou à la suite d'incidents provoqués dans une entreprise. L'octroi de ces indemnités était décidé par une commission paritaire de contrôle comprenant le maire et ses adjoints, deux membres du Conseil municipal et deux représentants des mineurs. Il est indéniable que ces mesures étaient destinées à calmer l'agitation des masses et à soulager les conditions difficiles de leur existence. Mais le contenu restrictif de ce secours dans une ville où la moitié de la population était étrangère, fit que ce fonds de chômage ne fut pas d'une grande aide pour les habitants.

Ce fonds de chômage cessa de fonctionner en 1934.

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De l'après-guerre à la fermeture des mines et usines…

 

        Au lendemain de la Libération, on s'aperçut que les installations sidérurgiques et minières furent surexploitées, et que l'urgence était à la remise en état de l'outil industriel. Avec le plan de modernisation et d'équipement de Jean MONNET en novembre 1946, la sidérurgie devint la priorité du développement économique de la France. Pour les mines de fer, après un démarrage difficile, la production de minerai et son prix augmentèrent au début des années 1950. Les mines de fer lorraines fournissent près de 94% de la production totale française. En 1960, en Lorraine, la production atteint un niveau record de 62,7 millions de tonnes de minerai, soit le double de la production de 1938.

 

        Mais, après l'euphorie des années 1950 à 1960, la production du minerai lorrain chute, passant à 54,4 millions de tonnes dès 1963. La concurrence des minerais étrangers, (Suédois et d'Outre-mer) avec une teneur en fer plus élevée que la " minette lorraine " et livrés à bon prix dans les ports de la mer du Nord, font que les stocks lorrains s'accumulent sur les carreaux de nos mines… Les premières crises éclatent. Les mines les moins performantes doivent fermer, d'autres, comme les mines marchandes, baissent leurs prix ou vendent à perte. Des mouvements sociaux ont lieu comme la grève à la mine de Trieux qui dura 79 jours au fond, en 1963. A Algrange, des grèves éclatèrent dès le 1er avril 1962, puis dans certaines mines seulement, comme celle de Rochonvillers où 15 mineurs restèrent au fond de la mine pour tenter de faire aboutir leurs revendications en septembre 1962. Ceux-ci voulaient de meilleures conditions pour les mineurs et leurs familles, des augmentations de salaire, la suppression des amendes dans les chantiers, et le réemploi d'un jeune après son retour du service militaire: M. Jean ILEWSKI. En mars 1963, les mineurs du bassin ferrifère s'associent à la grève des mineurs de charbon, car leurs revendications étaient identiques. Mais ils se battent surtout pour la sauvegarde du bassin ferrifère de l'Est. Cette grève durera 19 jours…

 

        En avril 1966, une grève de 48 heures a lieu dans les mines du bassin lorrain. Celle-ci est suivie d'une grève de métallos avec toujours la même demande; l'avenir du bassin sidérurgique et minier….

 

        En février 1967, un conflit social éclate à la mine de Rochonvillers, les mineurs se mettent en grève. Puis, en avril de la même année, de nouvelles grèves agitent la vallée. Les mineurs algrangeois demandent de nouvelles négociations pour revoir la situation du bassin ferrifère. Du fait des mines paralysées par la grève, les hauts-fourneaux de la S.M.S. tournent au ralenti. Le puits Armand faisant partie de la mine d'Angevillers est mis à la retraite le 3 juillet 1967, les mines de la vallée commencent à fermer… Suite au mouvement général de grève, en mai 1968, de nombreux carreaux de mines sont occupés, les usines se mettent également en grève…

 

        Entre 1968 et 1974, on regroupe les mines et on utilise de nouvelles machines, mais le minerai lorrain ne s'exporte plus. Puis le deuxième choc pétrolier de 1979 entraîne une nouvelle chute des prix de l'acier européen impliquant le repli de la production minière.

 

       Les trop timides restructurations antérieures, les rivalités entre les sociétés, la trop grande spécialisation, la surcapacité des groupes, leurs endettements ont fait le déclin de la sidérurgie. La guerre des prix et les différents plans de sauvetage imposés par les pouvoirs publics ont fait que le tissu industriel et social a été éclaté. Les plans acier de 1977 et 1978, conduisirent les sociétés sidérurgiques à réduire les effectifs de plus de 12.000 emplois…

Livre de Roland SEBBEN - ALGRANGE Cité aux 4 mines - La main d'oeuvre-La sainte-Barbe-Les mouvements sociaux dans les mines (7)
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      La vallée minière est appelée à disparaître. La première mine d'Algrange à fermer ses portes est la mine Burbach, le 31 décembre 1973. Elle sera suivie des trois autres dans la décennie qui suivie. La mine d'Angevillers en août 1979, la mine de Rochonvillers en octobre 1981 et la mine La Paix en juillet 1983… L'usine métallurgique de Knutange (S.M.K.) ferma également ses portes entre 1972 et 1973. Tout ceci dépendait de la rentabilité du bassin ferrifère lorrain, mais aussi de quel point de vue on se plaçait: du côté de l'intérêt général, c'est à dire national ou du côté des exploitants. Car, pour les mineurs, la rentabilité était de produire du minerai donnant du travail à tous, du moment que le prix de vente permettait de faire face aux dépenses. (salaires, charges sociales, investissements, amortissements…) Tandis que pour les exploitants c'était une question de profits maximum…

 

        Cette vallée minière et sidérurgique était privée de ses ressources, celles qui avaient fait d'Algrange une ville de plus de 10.000 habitants. Algrange gardera-t-elle son surnom de " cité aux quatre mines " ou prendra-t-elle un nouvel envol dans une autre direction?

 

Seul l'avenir nous le dira…

Livre de Roland SEBBEN - ALGRANGE Cité aux 4 mines - La main d'oeuvre-La sainte-Barbe-Les mouvements sociaux dans les mines (7)
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U
Suite à la suppression des taxes maritimes, l'importation de minerai exotique devenait rentable, car d'une teneur en fer d'au moins 80%. Quant à la minette lorraine avec ses 35% de fer, elle ne faisait plus le poids. Désormais, la sidérurgie serait portuaire, avec Dunkerque et Fos-sur-Mer.
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