Suite de mon livre (N°12)
Troisième partie: La vie religieuse
Chapitre 3: La grotte Notre Dame d'Algrange - La Phillipsbourg
Le souhait des paroissiens.
L'idée d'ériger une statue dédiée à la Vierge se situe aux heures sombres de la seconde guerre mondiale. Il est vrai que la " drôle de guerre " de l'hiver 1939/1940 se déroulait à une distance respectable d'Algrange. La situation devait changer avec l'attaque hitlérienne du 10 mai 1940. La menace pour la localité fut plus directe lorsque les troupes allemandes occupèrent la frontière luxembourgeoise devant la ligne Maginot. L'évacuation fut épargnée aux Algrangeois à cause de leur situation derrière cette ligne. Mais pour effrayer la population et pour l'inciter à se jeter en exode sur les routes de France, l'artillerie ennemie envoya de courtes salves sur la ville, dont la première, le vendredi 31 mai, fut particulièrement meurtrière par son effet de surprise. Elle causa la mort de plusieurs jeunes gens, ainsi que celle de deux enfants et blessa plusieurs autres personnes dans les cités ouvrières du quartier Nord.
Le dimanche 2 juin, durant plusieurs heures, des " Schrapnells " éclatèrent au-dessus de la vallée, causant peu de dégâts mais jetant un effroi parmi la population.
C'est ce dimanche, 2 juin 1940, que l'abbé FEY, alors curé de la paroisse et les Algrangeois firent le vœu d'ériger une statue à la Sainte Vierge, si Algrange sortait indemne de cette sinistre guerre. L'appel lancé du haut de la Chaire à la Sainte Vierge a dû être entendu. Après la guerre, avec le retour des immigrés, des déportés, des prisonniers, la reprise normale du travail dans les mines et les usines…, les Algrangeois voulurent tenir leur promesse. Le curé FEY avait commencé à rassembler les premiers fonds nécessaires à la réalisation de leur vœu, mais en 1947, il fut nommé archiprêtre dans la paroisse d'Alberstroff.
La construction de la grotte.
C'est le curé MOLL qui chercha l'endroit où serait érigée la statue dédiée à la Vierge. Plusieurs projets furent proposés et annulés successivement. Le premier point fut de la placer près de l'église catholique, mais la population voulait y allait en procession. Ensuite on décida de construire du côté du cimetière, là aussi les avis furent défavorables. Il ne restait plus que le plateau où elle dominerait toute la vallée, comme celle d'Hayange. Mais cette fois-ci, c'est le service de sécurité des mines qui fut contre ce projet, car dans les années antérieures, il y avait eu beaucoup de minerai extrait de cette colline.
Au fond, sur cette carte de 1949, on aperçoit l'entrée de mine qui sera le site de la grotte
Le curé fit même des démarches pour acheter un champ qui se trouvait un peu plus haut derrière la mine Sainte-Barbe, du côté de la " Philippsbourg ", mais les demandes ne purent aboutir. Ce n'est que deux ans plus tard que le projet allait se concrétiser.
Un invité du curé MOLL eut un jour l'idée de construire cette grotte sur la colline du Bois des Chênes. Les terrains appartenaient à la mine Burbach et tout de suite le curé MOLL téléphona à Monsieur Nicolas HARY, chef d'exploitation de cette mine. Celui-ci fut enchanté du projet et demanda la concession des terrains à sa direction. Ils donnèrent leur accord en demandant une modique redevance décennale à la paroisse d'Algrange. Monsieur HARY et le curé visitèrent toute l'étendue de la colline où se trouvaient encore les traces des anciens travaux à ciel ouvert de la mine, un terrain à la lisière du bois où il y avait des rochers en partie ensevelis par de la terre. Le chef d'exploitation HARY, expliqua au curé MOLL que sous cette masse de terre et de rochers se trouvait l'entrée d'une galerie de mine.
Le curé MOLL demanda à M.HARY si on pouvait ériger la statue de la Vierge dans une niche faite dans la roche et en contrebas installer une deuxième, celle de Sainte Bernadette pour y faire une grotte semblable à celle de Lourdes. La colline était assez large et les rochers s'étendaient sur plus de vingt mètres Le projet était séduisant et réalisable. " Quel chef d'œuvre serait ce site! " L'idée d'ériger une grotte identique à celle de Lourdes trouva l'approbation quasi unanime de la population. Le projet était vaste et l'entreprise de cette œuvre était osée. Il fallait plus d'argent, plus de matériel et surtout plus de main-d'œuvre.
Dégagement de l'entrée d'une ancienne galerie de mine
Messieurs MOLL et HARY convoquèrent en réunion exceptionnelle tous les directeurs des mines d'Algrange, de l'usine S.M.K. et de Wendel, le Conseil municipal, les chefs d'entreprises et les notables de la ville. Le projet fut adopté, un conseil d'organisation fut créé et Nicolas HARY en devint le président et le directeur des travaux. Il sera aidé dans sa tâche par M. Guillaume REIS, chef de chantier et maçon et par le curé MOLL représentant la paroisse. Ce comité serait soutenu matériellement et aurait à sa disposition quelques ouvriers spécialisés payés par les sociétés et ceux qui avaient été séduits par le projet. Dans le second semestre de l'année 1950, des terrassiers commencèrent les travaux au côté nord des rochers.
La terre et les fragments de roches étaient évacués sur des wagonnets de mine et déchargés dans les fossés aux alentours pour permettre le nivellement de la prochaine plate-forme. Ces travaux étaient effectués par deux hommes, payés deux heures par jour par les usines et aidés par des apprentis mineurs et quelques bénévoles.
Bientôt, les ouvriers dégagèrent une première galerie de mine, puis une seconde galerie transversale, les premières difficultés commencèrent. Les terrains trop fissurés risquaient de s'ébouler, des doutes furent émis sur les possibilités de continuer les travaux et les premiers abandons arrivèrent. Mais sous la direction de MM. HARY et REIS, d'excellentes équipes de mineurs et de boiseurs entrèrent en action, consolidant par un très habile travail de soutènement en bois, rails et poutres. Un treillage avec des barres de fer fut maçonné aux plafonds, surtout dans la galerie transversale où on ne put dégager un rocher. Celui-ci donna un aspect si naturel que cette galerie fut choisie pour devenir la grotte. Puis on fit des coffrages pour donner à la grotte sa forme appropriée. Ce travail fut fait par une équipe de maçons spécialisés qui procéda à la coulée du béton et, dans la première partie on aménagea un local pouvant servir de sacristie.
A l'extérieur, des échafaudages furent posés pour la confection et la consolidation de la façade et l'aménagement en haut, à droite, une niche qui abritera la statue de la Vierge. Un bulldozer mit en place la plate-forme au nord, déracina des arbres pour faire une allée donnant accès au site. Le chemin bitumé reliant le chantier à la route fut rendu plus carrossable par la commune, les apprentis, les bénévoles et même les Cœurs Vaillants et les Scouts de l'Association algrangeoise. Le reste consista essentiellement en travaux d'aménagement. En bas à gauche, fut aménagé un petit bassin d'eau, figurant la source miraculeuse de Lourdes. Pour alimenter ce bassin, il fut nécessaire de poser une conduite, captant une source située à environ 400 mètres en amont dans la vallée de la Burbach.
Finalement furent apportées et mis en place les deux statues, ainsi que l'autel et la grotte proprement dite fut clôturée par une grille. La plate-forme fut encore sommairement agrandie et aménagée, le béton de la grotte était coloré de façon à imiter la roche. Il restait à aménager le chemin, on fit des escaliers près de la barrière du chemin de fer et on rendit carrossable le chemin d'accès de la vallée de la Burbach près du petit pont et également on établit une jonction avec le chemin de la " Philippsbourg ".
Avant l'inauguration officielle, de nombreux paroissiens venaient déjà voir la grotte...
Puis ce fut l'inauguration et la bénédiction du sanctuaire le 4 novembre 1951.
Déroulement de la journée du 4 novembre 1951.
La journée fut introduite par une grande messe solennelle à 10 h 30 au cours de laquelle l'abbé FEY, archiprêtre d'Alberstroff et ancien curé d'Algrange retraça les heures d'angoisse de la population et la réalisation de leur vœu.
L'après-midi, ce fut l'apothéose. A 14 h 30, une foule considérable saluait l'arrivée de Monseigneur HEINTZ, Evêque de Metz, auquel furent présentés les personnalités du comité d'honneur, notables et élus. Monseigneur HEINTZ salua les différentes associations présentes: U.N.C. Relève, Engagés volontaires, délégations des mines, sans oublier la musique et le corps des Sapeurs-pompiers commandés par le capitaine MATHIS, ainsi que la musique du Cercle Saint Louis commandée par FRANTZ Nicolas.
Départ de l'église saint Jean-Baptiste
Après que deux gerbes eurent été remises, par le Cercle des Jeunes gens, au nom de la paroisse réunie à Monseigneur l'Evêque, celui-ci se rendit accompagné des personnalités, au monument aux morts où, l'une de ces deux gerbes y fut déposée, pendant qu'on entendait résonner la " sonnerie aux morts ".
L'imposante procession se forma et se dirigea, au son de la musique des Sapeurs-pompiers, par les rues: Clemenceau, Saint Jean, Jean Burger et des Américains, décorées de guirlandes et d'oriflammes, jusqu'à la grotte. La foule chantait inlassablement " l’Avé Maria " autour du clergé, présidé par le chanoine CARE, MM. Les archiprêtres MULLET et FEY, les curés des paroisses avoisinantes, les Sapeurs-pompiers et les mineurs en tenue de travail, lampe à la main, formant la garde d'honneur.
Il est 15 h 45 lorsque Monseigneur HEINTZ monte en chaire pour prendre la parole. Après l'instant solennel où il procéda à la bénédiction de la grotte, la foule, estimée à plus d'un millier de personnes, entonna le Magnificat. Ensuite, le chanoine CARE fit les acclamations d'usage à Lourdes lors du passage du Saint-Sacrement devant les malades.
A la Croix d'Or, Monseigneur reçut les personnalités, le comité d'honneur, le comité d'organisation, le comité des œuvres paroissiales, M. REIS chef maçon, ainsi que les ouvriers qui avaient travaillé à la réalisation de la grotte.
M. LATOURTE, président du comité d'honneur, fit une allocution écoutée dans un silence religieux et termina en suppliant Notre-dame d'Algrange de protéger nos ouvriers, nos populations et formula le vœu qu'elle accorda l'union sociale.
Puis ce fut le tour de l'abbé MOLL de remercier tous ceux qui avaient contribué à la réalisation de ce vœu, qui était cher à tous. M. HARY, président du comité d'organisation, directeur des travaux de la grotte, donna des précisions sur le travail effectué, agrémentées de petites anecdotes amusantes.
M. SCHULZ, Maire d'Algrange, souligna particulièrement la foi qui animait tous ceux qui avaient mis leur temps et leurs forces au service de cette grotte et termina en formulant le vœu que notre civilisation soit de base chrétienne.
Monseigneur HEINTZ prononça le mot de la fin en s'associant et en faisant siens les vœux qui furent formulés. La nuit était tombée, mais de puissants projecteurs illuminèrent tardivement dans la nuit la colline de Notre-dame de Lourdes.
L'amicale et les aménagements de la grotte.
Au début de l'année 1952, une équipe d'une vingtaine de volontaires bénévoles se proposèrent pour effectuer les travaux d'entretien nécessaires aux fils des ans. Ce groupe devint une association paroissiale sous le nom: " Amicale de la grotte ", avec un président actif, M. SCHNEIDER Henri qui œuvra jusqu'en 1960. Grâce à tous ces bénévoles, de nombreux travaux furent réalisés pour embellir ce site apprécié de tous les promeneurs. Après avoir un petit local en tôle sur le site, l'Amicale décida d'en créer un en dur.....
et même agrandie plusieurs fois....
Un calvaire fut également construit et inauguré le 1er mai 1960 par Monseigneur STENGER, prélat de sa Sainteté et aumônier diocésain des hommes de l'Action Catholique Générale
En 1992, pour le centenaire de l'église, les bénévoles de l'Amicale décident de rénover complètement le site de la grotte et son calvaire..... Puis en 1993.
Suite au regroupement des paroisses d'Algrange, Knutange, Lommerange, Fontoy, Haut-Pont, et Nilvange en secteur pastoral, les responsables du Conseil pastoral innovèrent pour l'Assomption 2000. Ils convièrent les gens du voyage à la cérémonie. Ceux-ci arrivèrent en procession, statue de la Vierge et musiciens en tête, accompagnés de l'abbé Jacques NEU et de leur délégué Robert CHASSARD. L'abbé François MINELLO commença la messe en compagnie de l'abbé François GRANDIL en retraite, de l'aumônier des gens du voyage Jacques NEU curé de Flavigny, de Jean-Marie LECOMTE curé de Knutange et de François RIEHL curé de Gorze. Les cantiques furent joués par l'organiste Jean LENKEY. Ce fut une première en cette fin de millénaire.
50ème anniversaire de la grotte d'Algrange en 2001.
Les bénévoles de l'Amicale ont de tout temps entretenus le site, comme ici en août 2010 et 2011
En 2011, l'Amicale de la grotte a fêté le 60 ème anniversaire de sa bénédiction ce 15 août, sous la présidence de Raymond VADLINGER...... En 60 ans d'existence, le site a été plusieurs fois vandalisé (tags.....)
Fin 2013, le site reçoit une nouvelle alimentation électrique.....
En 2016, le président de l'Amicale perce un trou dans la sacristie pour voir ce qu'il y a derrière. Et là on voit bien que c'était une galerie de mine qui fut comblée lors du démarrage de la construction de la grotte.....
Le 15 août 2016, l'Amicale célèbra le 65ème anniversaire du site....
Quelques souvenirs de la grotte en médailles, pins, porte-clefs.....
En 2017, les bénévoles agrandissent leur local sur le site.
La Phillipsbourg ou Phillipsburg.
Non loin de la grotte, on découvre un genre de petit manoir à la robe blanche dont la tour est recouverte d'un chapeau rouge qui est communément appelé à Algrange " la Phillipsbourg ". En 1909, Philippe SCHMIDT, installé depuis peu dans la région, décide l'édification d'une maison qu'il voulait isolée. Pour cela, il l'a construite sur un piton du flanc de la colline. Les matériaux difficilement transportables jusqu'à ce point difficile d'accès, furent fournis par une carrière toute proche qui était en exploitation. En 1911, les travaux furent terminés et, à la belle saison, toutes les sociétés locales y venaient faire la fête.
Dans les années 1960, elle était encore le lieu privilégié des promeneurs et même des automobilistes qui pouvaient y accéder par la route nouvellement construite, pour admirer le paysage et, en même temps, se désaltérer. C'est Mme et M. Pierre REGNERI qui ont tenu ce café de 1953 à 1969. Quelques années plus tard par manque de repreneurs le café fut fermé et transformé en habitation. On l'a même entouré d'un haut mur. Dommage mais compréhensible.
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